De la futaie régulière à la futaie irrégulière de douglas
Le douglas fait partie de notre quotidien de forestier, on en rencontre un petit peu partout, et notamment dans le Morvan en Bourgogne. Cette essence originaire des Etats-Unis a été importée et plantée en France, principalement depuis les années 1970, c’est aujourd’hui la 2ème essence de reboisement en France derrière le pin maritime. Souvent traité en futaie régulière, ce n’est pas la seule façon de le faire pousser : il est aussi adapté à être traité en futaie irrégulière.
Etat des parcelles de douglas en 2021
Après la seconde guerre mondiale, en 1947, face à une pénurie de bois et notamment de bois d’œuvre, l’état a mis en place le FFN -Fond Forestier National pour inciter les propriétaires privés à la plantation. Une partie de ces parcelles étaient des bois qui avaient été coupés, mais majoritairement, ce sont des prés et des champs délaissés par les agriculteurs qui ont été plantés. D’abord, l’épicéa a été choisi, puis à partir des années 70, le douglas a été conseillé pour boiser et reboiser. Les douglas que l’on rencontre aujourd’hui ont majoritairement une cinquantaine d’années, certains ont déjà été coupés.
Les plantations ont été réalisées « en plein », sur la totalité d’une parcelle, et en peuplement monospécifique (une seule essence). Le but de ces plantations était de développer massivement la production de bois d’œuvre de qualité. Le type de peuplement résultant de ces plantations est la futaie régulière : les arbres ont tous le même âge. Le cycle de vie du peuplement est simple à gérer : plantation, plusieurs éclaircies, coupe rase, plantation… La durée de vie d’un peuplement de douglas en futaie régulière est choisie par le propriétaire, elle peut être de courte durée – 40 à 50 ans, à très longue : on peut très bien imaginer obtenir des douglas de plus de 100 ans.
Attentes sociétales vis-à-vis du douglas
Aujourd’hui, les attentes sociétales liées à la sylviculture sont de plus en plus fortes. Un forestier professionnel ne peut plus raisonner uniquement en production de bois, mais doit prendre en compte les 3 fonctions principales de la forêt : économique, environnementale, sociale. L’aspect paysager doit être pris en compte, il n’est plus envisageable de réaliser de grandes coupes rases, il est indispensable de programmer les coupes de manière raisonnée.
Futaie irrégulière de douglas
Une des solutions pour prendre en compte ces enjeux est de convertir les futaies régulières en futaies irrégulières. Plusieurs appellations sont utilisées pour ce type de sylviculture : sylviculture douce, sylviculture alternative, gestion forestière alternative, forêt naturelle, forêt continue, forêt perpétuelle, futaie jardinée… De manière simplifiée, une futaie irrégulière est une forêt perpétuelle façonnée par le forestier, les objectifs sont les suivants :
- Améliorer le peuplement par la qualité des bois
- Augmenter la valeur de la forêt et de son patrimoine
- Obtenir des revenus soutenus et réguliers
- Produire des gros bois de qualité
- Obtenir un peuplement d’âges variés
Un diamètre objectif est fixé pour valoriser les bois et éviter les sacrifices d’exploitabilité (couper des arbres trop jeunes et/ou de faible valeur). Idéalement et une fois le peuplement irrégularisé, les bois qui seront exploité seront de forts diamètres et de forte valeur ajoutée. Le peuplement et le paysage ne seront pas déstabilisés puisque les futurs gros bois seront déjà sélectionnés et favorisés.
Méthode de conversion en futaie irrégulière
Le peuplement de douglas le plus courant est la futaie régulière, le but de la méthode est de le convertir en futaie irrégulière. Tout d’abord, il est inutile de vouloir convertir un peuplement trop jeune : ce serait une perte de temps et d’énergie. Une futaie régulière de douglas de trente-cinq à cinquante ans s’y prête bien.
Comme en futaie régulière, on va réaliser des éclaircies tous les 4 à 8 ans, d’intensité modérée, soit idéalement un prélèvement égal à la production de la forêt. Les arbres prélevés le seront dans les classes de diamètres les plus représentées, et les arbres les moins jolis du peuplement. De ce fait, les classes de diamètres seront plus étalées, et ce seront les plus beaux spécimens qui régénèreront la forêt. Surtout, la lumière doit être dosée subtilement pour faire apparaitre une régénération naturelle et ne pas déstabiliser le peuplement.
La régénération n’est pas une fin en soi, il faut lui laisser le temps d’arriver, de pousser et de se développer. Il faut plusieurs années pour que la régénération naturelle se développe sur une parcelle. Les semis ont des âges différents parfois répartis sur plus de 10 ans. Des travaux jardinatoires seront réalisés régulièrement.
Avec ces éléments, on se rend compte que la forêt s’irrégularisera sur plusieurs dizaines d’années, il faut être patient ! On peut en profiter pour introduire de temps à autres diverses essences en complément pour diversifier la forêt.
Avantages de la futaie irrégulière de douglas
Le paysage est préservé continuellement, on rencontre de très gros bois visuellement impressionnants, toutes les strates verticales sont occupées. La biodiversité est favorisée, même en ne gardant qu’une seule essence, et s’améliore si on favorise un mélange. Les problèmes rencontrés lors des plantations sont évités : problèmes de reprises, hylobe, dégâts de cervidés… On produit des gros bois de qualité, les revenus sont soutenus et réguliers.
Contraintes et limites
Les petites parcelles sont plus difficiles à gérer en irrégulier : le volume des coupes est plus faible. Il est alors difficile de doser la lumière, ce qui doit se faire en continu. Les marquages de coupes doivent être systématiquement réalisés par un professionnel formé à la gestion en futaie irrégulière, la surveillance des peuplements est continue pour éviter de régulariser. Bien qu’il n’y ai pas de coût de plantation, les travaux jardinatoires doivent être réguliers, et leur coût peut être élevé si la régénération envahie le peuplement.
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