Peuplements forestiers mélangés, production et biodiversité
Les peuplements forestiers mélangés en essences offrent de multiples avantages, ils nécessitent une fine approche pour les gérer : c'est l'avenir de la gestion forestière durable.
Actuellement en France métropolitaine, les forêts mélangées en essences occupent 7.2 millions d’hectares soit près de la moitié des surfaces. La plus grosse proportion se trouve dans le Nord-Est de la France, et la répartition est quasiment identique dans les forêts publiques que privées avec environ 50% des surfaces. Quelques études ont été réalisées à partir des années 1970, mais l’Inventaire Forestier National a commencé à relever des données précises sur les essences en mélange à partir de 2004. Avant cette date, on analysait les peuplements mélangés sans distinction d’essences.
Les forêts mélangées en France métropolitaine
Ce sont principalement les forêts feuillues qui sont mélangées, les mélanges feuillus – résineux représentent seulement 27% des surfaces mélangées. Les mélanges rencontrés le plus souvent sont chêne-charme, chêne-hêtre et chêne-frêne avec une prédominance pour le chêne avec une autre essence accompagnatrice. Les essences que l’on retrouve le plus en mélange sont des essences accompagnatrices : charme, tilleul, tremble, érable… Le chêne arrive seulement en 17ème position, et le premier résineux en mélange est le sapin pectiné à la 24ème place, suivi de près par le pin sylvestre à la 25ème place. La majorité des peuplements mélangés comportent peu d’essences :
- 2 essences : 67%
- 3 essences : 25%
- 4 essences et plus : 8%
L’histoire des forêts mélangées en France
Les forêts naturelles et l’histoire de la France nous donnent des indications sur les forêts mélangées. Les forêts primaires – qui n’ont subies aucune action – en France métropolitaine occupent environ 1000 hectares soit près de 0.006% du territoire. La majorité de ces surfaces de forêts dites naturelles sont mélangées. La quasi-totalité des forêts a donc été façonnée par l’Homme au fil des siècles, et a notamment été transformée après l’ordonnance de 1669 promulguée par Louis XIV sur les Eaux et Forêts sous l’impulsion de Colbert. A partir de cette période, les grandes futaies séculaires ont été en majorité transformées en taillis sous futaie. Le but de cette ordonnance était de produire du bois de qualité, principalement du chêne, pour la construction navale, et de réserver le taillis pour le bois de chauffage.
Objectifs et intérêts d’une forêt mélangée
Le mélange d’essences s’immisce de plus en plus dans les débats publics, principalement pour un aspect paysager en opposition aux plantations monospécifiques de résineux, mais le mélange offre de multiples intérêts :
- Adaptabilité au changement climatique : d’après de récents constats, les peuplements mélangés résistent mieux aux changements climatiques, notamment aux forts épisodes de sécheresse.
- Exposition aux ravageurs : les ravageurs et les insectes en particulier progressent moins vite voire pas du tout dans les peuplements mélangés. Actuellement les épicéas mélangés à d’autres essences résistent bien mieux au scolyte.
- Augmentation de la biodiversité : l’augmentation de nombre d’essence permet d’étager les houppiers et donc d’apporter une lumière plus diffuse qui favorise la flore, et par conséquence une augmentation de la faune.
- Occupation de l’espace boisé : l’espace boisé est plus important, et donc le capital de bois sur pied aussi
- Occupation du sous-sol : certaines essences ont des systèmes racinaires traçants, d’autres vont chercher l’eau et les nutriments en profondeur. Le mélange d’essences permet d’occuper l’espace sous-terrain de manière optimale.
- Sécurité du capital : la diversification des essences permet de profiter des opportunités de marché, et aussi d’éviter de capitaliser certaines essences lorsqu’elles se vendent mal.
Constats de production des forêts mélangées
Pour l’instant, on ne constate pas d’augmentation de production significative en peuplements mélangés. Pour les essais qui ont été réalisés, une des essences augmente sa production et profite par rapport aux autres : dans le cas où le hêtre est présent, il domine toutes les autres essences. Dans le cas où le hêtre est en mélange avec du chêne, l’impact de production est négatif pour le chêne, il faut donc compenser par des choix de gestion dynamiques et des passages fréquents. Pour les résineux aussi, la production totale baisse.
Gérer une forêt mélangée
Différents modes de gestion peuvent être appliqués aux forêts mélangées, les principaux sont la futaie régulière et la futaie irrégulière :
- Futaie régulière : des essais de mélanges font leur preuve, les mélanges chêne-pin par exemple, mais aussi chêne-hêtre, douglas-épicéa, épicéa-sapin pectiné… Plus le nombre d’essences est important, plus la gestion est difficile au risque de commettre des erreurs. Il est nécessaire de garder un équilibre entre les essences, mais pas nécessairement à quantité égales. Les plantations de peuplements mélangés peuvent bénéficier de subventions.
- Futaie irrégulière : Il est beaucoup plus simple de gérer différentes essences en futaie irrégulière. Les essences objectives côtoient les essences accompagnatrices. On peut enrichir les peuplements avec quelques feuillus précieux, et gérer les différentes essences pied à pied ou par bouquets.
Dans les deux cas les coupes et travaux sont fréquents, avec une surveillance des peuplements réguliers.
Forêts mélangées gérées par Taurë
Taurë gère des propriétés forestières principalement en futaies en cours d’irrégularisation, dont les peuplements suivants sont représentés (liste non exhaustive) :
- Chêne - charme : ce peuplement est courant, pour assurer la pérennité des chênes, le taillis de charme doit être éclairci tous les 10 à 15 ans, et la régénération suivie pour favoriser les semis.
- Chêne - hêtre : Les hêtres prennent vite le dessus sur les chênes, il faut donc systématiquement favoriser les chênes pour garder le mélange. De plus, le hêtre se régénère facilement et peut rester en compression – à l’ombre – pendant des années avant de se développer dès l’arrivée de lumière. Si on ne favorise pas les semis de chênes, le peuplement devient peu à peu une futaie de hêtre.
- Chêne – châtaignier : Le châtaignier se trouve souvent dans le taillis. Il faut absolument favoriser le chêne pour éviter que le châtaignier prenne le dessus.
- Hêtre – érable : Ces deux essences cohabitent bien ensemble, régénère facilement. C’est un peuplement facile à gérer, la régénération est permanente.
- Chêne – hêtre – charme : Le taillis doit être éclairci tous les 10 à 15 ans, les chênes et les semis de chênes doivent être favorisés pour le maintien de l’équilibre.
- Chêne – hêtre – robinier faux acacia : Le chêne doit être absolument favorisé. Si on veut garder ce mélange, il faut laisser la place au robinier faux acacia qui périclite s’il se trouve à l’ombre : c’est une essence de pleine lumière. Les semis de chênes doivent être absolument dégagés.
- Chêne - sapin pectiné : Le sapin pectiné se régénère facilement et peut rester en compression pendant des années. Il apporte de l’ombre sur le sol empêchant le chêne de se régénérer, il faut favoriser le chêne systématiquement pour garder le mélange.
- Hêtre - sapin pectiné : Ces deux essences cohabitent bien ensemble, la régénération vient facilement, c’est un peuplement facile à gérer.
- Hêtre - douglas : Nous avons fait un essai de plantation de bouquets de douglas sous des hêtres, après les avoir éclaircis de 40 à 50%. Les houppiers de hêtre se développent très vite et il est nécessaire de les éclaircir 4 à 5 ans après la plantation. La plantation doit se faire par bouquets de façon à pouvoir éclaircir les hêtres sans ravager la plantation lors de l’exploitation. Malgré deux années de sécheresse, la plantation a repris à 100%, par contre il faut faire très attention aux dégâts causés par les cervidés.
- Douglas - épicéa : Ce mélange fonctionne bien, est facile à gérer. En futaie régulière il faut favoriser l’épicéa qui pousse moins vite, en futaie irrégulière il faut garder le mélange et favoriser la régénération de douglas qui demande de la lumière.
- Epicéa - sapin pectiné : Ce mélange est géré depuis longtemps dans le Jura notamment, est facile à gérer et facile à garder l’équilibre.
- Douglas – mélèze – épicéa – sapin pectiné : Le mélange est assez difficile à tenir à cause du grand nombre d’essences. La régénération de douglas et de mélèze est à favoriser pour garder l’équilibre. En futaie régulière et irrégulière, il faut décider d’un diamètre d’exploitabilité plus important pour le douglas que pour les autres essences pour lui laisser le temps de se régénérer et éviter de l’éradiquer.
Vous pouvez nous contacter pour des conseils, visiter et gérer votre forêt, renouveler votre plan simple de gestion en intégrant de nouvelles techniques de gestion… Nous proposons différents outils et services : visite-conseil, gestion forestière, sylviculture, formations, rédaction de CBPS+ - Code de Bonnes Pratiques Sylvicoles avec un programme de coupes et travaux et une cartographie intégrés, rédaction de PSG – Plan Simple de Gestion…
Sources
Taurë – expérience professionnelle
IFN – Inventaire Forestier National
Prosylva
FCBA - Forêt Cellulose Bois Ameublement
INRA – Institut National de Recherche Agronomique